Alors qu'un projet de 13 éoliennes de 145 mètres de haut a été proposé au village de Villebéon,
le débat fait rage entre défenseurs du patrimoine et partisans des économies d'énergie.
Treize éoliennes de 145 mètres de haut, surplombant le petit village de Villebéon, cinq fois plus hautes que le clocher de l'église, plus hautes qu'un immeuble de 40 étages, visibles à 20 kilomètres à la ronde... l'image a de quoi surprendre. Mais s'il ne s'agit pour l'heure que d'un photomontage réalisé par l'association de défense de l'environnement de Villebéon et de ses environs (ADEVA). Depuis que deux projets d'installation de 5 à 13 éoliennes ont été proposés au conseil municipal, le village est en ébullition. Pour engager le projet, les promoteurs ont besoin de l'accord du maire de la commune Nicole Couturier, qui n'a pas encore arrêté sa décision et qui a déjà organisé deux réunions publiques à ce sujet. « Les villageois sont surpris et assez partagés, nous explique Nicole Barrois, présidente de l'ADEVA. Quand un projet de carrière était en balance, tout le monde était contre, mais là, c'est plus incertain, notamment à cause de l'argument des économies d'énergie. Pour notre part, nous reprochons à ce projet d'être trop près des maisons. La proposition industrielle prévoit d'installer des éoliennes à 500 mètres des maisons. Notre région est l'un des rares endroits préservés du sud Seine-et-Marne. La mise en place d'un tel projet offrirait un spectacle hallucinant. »
La réaction de l'ADEVA est loin d'être isolée et Villebéon n'est pas le premier village du département à être sollicité.
De tels cas de figure se sont déjà présentés à Aufferville, Champeaux ou encore à Amponville, les maires ayant reculé devant la pression des habitants. A ce jour des études sont en cours à Verdelot et Villeneuve-sur-Bellot, St-Cyr-sur-Morin et Saacy, Gironville et Mondreville, Pecy, Vaudoy, Jouy-le-Châtel et La Croix-en-Brie et un référendum est demandé à Chevrainvilliers. Car si chacun se sent l'âme d'un éco-citoyen, personne ne souhaite voir débarquer une installation de 1.000 tonnes de béton au pied de son jardin.
Les propositions telles que celle reçue par Villebéon vont pourtant fleurir dans les prochaines années.
La France s'est engagée à contribuer à l'objectif européen validé par les accords de Kyoto en plaçant à 21 % en 2010 la part des énergies renouvelables et non polluantes dans sa production d'électricité, au lieu de 15 % aujourd'hui. Une belle opportunité pour les producteurs qui ont l'assurance de revendre l'électricité éolienne à EDF.
Source inépuisable d'énergie, contrairement aux énergies fossiles comme le pétrole, le charbon ou le gaz naturel, gratuite et non-polluante, le vent fait partie des filières privilégiées pour atteindre cet objectif, avec l'hydro-électricité, la valorisation des résidus agricoles et forestiers ou encore la géothermie. L'énergie venue du ciel aurait-elle tout pour plaire ?
Le débat fait rage entre les associations anti-éoliennes, regroupées sous l'égide de "Vent de Colère", et l'Agence gouvernementale de l'Environnement et de la maîtrise de l'Energie (ADEME) à grands renforts d'arguments contradictoires (lire encadré).
Une chose est sûre : la France étant en retard dans ce domaine, les pales des éoliennes viendront siffler tôt ou tard dans les oreilles des communes rurales, à Villebéon ou ailleurs... et attiser un peu plus le vent de la polémique.
Entre pro et anti-éoliennes, la guerre des arguments fait rage. Voici une tentative de résumé des positions de chaque partie.
Les arguments pour :
- Outre son intérêt dans la lutte contre l'effet de serre, il s'agit de l'énergie renouvelable dont le prix de revient est le moins cher pour de nouveaux développements.
- Avec 239 mégawatts de puissance éolienne installée fin 2003, la France est loin derrière l'Allemagne (14.609 MW), l'Espagne (6.202 MW), et le Danemark (3.110 MW).
- Les éoliennes modifient les paysages mais sont soumis à la délivrance d'un permis de construire par le préfet, qui s'accompagne d'une évaluation environnementale dotée d'une étude paysagère.
- Les éoliennes de première génération étaient bruyantes. Elles sont de plus en plus silencieuses grâce aux perfectionnements techniques.
- Une étude montre que la mortalité des oiseaux atteint 0,4 à 1,3 oiseaux tués par éolienne et par an, chiffre faible comparé à la circulation routière, les lignes électriques et les baies vitrées.
- La probabilité de bris de pale est très faible, celle d'une chute d'un mât l'est encore plus. De plus, les machines s'arrêtent automatiquement quand la vitesse du vent dépasse 90 km/h.
Les arguments contre :
- Pour les anti-éolien, cette source d'énergie ne réduit absolument pas les émissions de gaz à effet de serre mais les augmentent au contraire à cause de son intermittence.
- L'éolien saccage le patrimoine paysager et historique et sinistre le tourisme vert et le tourisme.
- Il est toujours trop près des habitations, provoquant des nuisances sonores jusqu'à 1.500 mètres et des nuisances infrasonores jusqu'à 5 km, entraînant une baisse de valeur des habitations.
- L'éolien ne crée aucun emploi permanent.
- L'éolien freine le recours aux énergies renouvelables car l'argent dépensé dans l'éolien industriel manquera à la géothermie, l'habitat bioclimatique, le solaire thermique, l'exploitation de la biomasse ou la pompe à chaleur.
- L'éolien enrichit les promoteurs et les constructeurs, le taux de rentabilité étant supérieur à 15 %.
Pour aller plus loin, consultez le site de l'ADEVA : www.adeva-villebeon.org, celui de l'association qui lutte contre les implantations d'éoliennes : www.ventdecolere.org, ou encore celui de l'agence départementale de l'environnement : www.ademe.fr